Graphisme et conception
Recherche sur le graphisme automatique appliqué à la conception et à la représentation des projets d'architecture et d'urbanisme
Le relief de Paris © Apur
Ce document anticipe de 20 ans au moins les réalisations spectaculaires d’aujourd’hui de perspectives « automatiques » en 3 dimensions de projets…
… d’architecture et d’urbanisme. Mais qu’est venu faire l’Apur dans cette galère au
tournant des années 1970 ?
Cette recherche est menée par l’Apur dans le cadre d’un contrat passé
avec le Secrétariat à la recherche architecturale
1. Ce rapport d’une
centaine de pages laisse le lecteur d’aujourd’hui à la fois impressionné et
dubitatif :
- Comment l’Apur a pu se
lancer dans la production de logiciels aussi pointus que ceux de la conception
assistée par ordinateur en architecture ?
- Quel crédit accorder à
l’ambition affichée de représenter en volumes (3D) des quartiers entiers de
Paris, avec les moyens informatiques limités de l’époque ? Une ambition qui
figure pourtant en bonne place en 1975 dans le numéro 13-14 de Paris Projet sous
le titre « paysages urbains et perspectives automatiques ».
- Etait-il imaginable de
voir les architectes s’approprier ce type d’outils si lents et surtout si
pauvres dans les représentations obtenues ?
La première de ces questions est probablement la plus troublante. Que
vient faire ici l’Apur ? Elle nous ramène à l’époque des grandes salles de
calcul couvrant un étage entier d’immeuble et disposant d’une climatisation
permanente, l’époque où un seul ordinateur valait une fortune, où il fallait
toute une hiérarchie de spécialistes pour pouvoir s’en servir, où chaque
institution enfin ou chaque très grande entreprise disposant de tels moyens
développait elle-même ou sous-traitait des applications sur mesure. Le terme de
« progiciel », ou logiciel destiné à un marché et non plus à un seul client,
vient tout juste d’être inventé (1973). Aucun progiciel de conception et de
perspectives 3D n’existe encore. Mais, de par sa mission l’Apur en ressent le
besoin. L’Atelier dispose d’un accès à l’ordinateur de la préfecture de Paris
via un terminal mais aussi à celui de l’Institut de recherche des transports
(IRT). Aux côtés de la Banque de données urbaines, une « équipe graphique »
s’est formée et a l’idée de ce progiciel qu’elle nomme BALSA. Elle le présente
déjà en décembre 1973 au colloque de l’Association française pour la
cybernétique économique et technique (AFCET) et le soumet en 1974 au tout
nouveau Secrétariat à la recherche architecturale dont elle obtient un contrat.
Cette ambition est-elle réaliste ? Il faut d’abord constater que dès les
années 1960 l’informatique ne se limite pas à la production de listes ou de
tableaux sur « listings ». Elle sait dessiner : il existe depuis 1959 des
tables traçantes (Calcomp par exemple) qui savent piloter le mouvement d’une
plume asservie à un bras. Des écrans graphiques monochromes mais à très haute
résolution sont diffusés en France depuis 1969 (Tektronix). Mais il est vrai
que la puissance de calcul est très faible, la mémoire vive est minuscule dix
mille à un million de fois plus faible qu’un PC actuel, pourtant les avionneurs
Lockheed (Cadam) puis Dassault Systèmes (avec Catia en 1977) développent pour
eux-mêmes des outils de dessin et de conception d’avions assistés par
ordinateurs. Toutefois la CAO ne va parvenir à se développer qu’avec
l’avènement à partir de 1982 des « stations de travail graphique » pour un coût
abordable. Ainsi, le progiciel vedette Autocad n’a été créé qu’en 1982,
Microstation en 1984 et par exemple Turbo 3D qu’en 1995. L’ambition à échelle urbaine
évoquée dans ce rapport ne paraît donc crédible que 15 ou 20 ans plus tard.
Les architectes se sont-ils appropriés un tel outil ? A l’époque, non,
il faut bien le reconnaître. Mais depuis un marché s’est créé et les
architectes ont adopté, non sans réserve parfois, ces outils aujourd’hui
incontournables. Actuellement l’utilisation des perspectives automatiques par
les agences d’urbanisme relève de l’évidence.
P.R.
1 Jean-Pierre Dalbéra, La
recherche au ministère chargé de la Culture 1959-2000, Histoire de la recherche
contemporaine Tome II n°2 / 2013 Culture et patrimoine – La revue du Comité
pour l’histoire du CNRS.