L’Enquête globale des transports (EGT) est la seule enquête régulière sur les déplacements des ménages d’Ile-de-France. Cette enquête par sondage permet de reconstituer et de décrire…
… les déplacements des ménages sur une journée type de
semaine. Réalisée depuis 1969 un an après le recensement de la population, elle
constitue un outil assez fiable pour décrire les déplacements et leur
évolution. En 1991-1992 la Ville de Paris participe pour la première fois au
financement de l’enquête et dispose ainsi des données. En lien avec le Centre
de recherches et d’études techniques de la direction de la Voirie de Paris, les
fichiers sont mis à la disposition de l’Apur.
Dans les années 1990, les conséquences de l’usage de
l’automobile créent une situation de plus en plus conflictuelle dans Paris. Le
trafic augmente chaque année, la voirie parisienne –on ne parle pas encore
d’espace public- sert aussi au stationnement, envahissant et souvent illicite.
Les débats relayés par la presse sont virulents. En octobre 1989, le Conseil de
Paris définit une nouvelle politique de circulation et de stationnement. La
politique de « maîtrise de la croissance du trafic » cède le pas à la
« stabilisation de la circulation et du stationnement ». La
« régression » du trafic est jugée incompatible avec la vocation de
la capitale. La réalisation de voies nouvelles en surface est désormais exclue
mais la Ville de Paris espère beaucoup de la hiérarchisation du réseau avec la
mise en place des axes rouges et la régulation des feux. Elle entend peser sur
les choix d’investissement en transports en commun de l’Etat et de la Région.
Elle vise aussi une réduction de l’offre de stationnement sur voirie et la
généralisation du stationnement payant. En parallèle, la Ville étudie un projet
de voirie souterraine et promeut la construction de parcs de stationnement
concédés à des entreprises privées, notamment dans le quartier des affaires.
Le directeur de l’Apur participe aux réunions du Secrétariat
général aux côtés des directeurs des services de la Ville mais bénéficie
d’autonomie, notamment intellectuelle. Si l’Atelier peut introduire d’autres
points de vue dans les débats, c’est de façon argumentée. Dans ces conditions,
disposer des données de l’EGT est une aubaine. Au sein de l’Apur, il y a une
grande convergence des positions : l’avenir de la mobilité à Paris n’est pas
dans l’automobile et il faut contribuer à la cohérence globale de la politique
de la circulation, du stationnement, d’aménagement… Cela ne va pas de soi.
La première exploitation de l’EGT par l’Apur est
complémentaire des travaux réalisés par la direction régionale de l’Equipement
d’Ile-de-France (DREIF) mais privilégie les approches urbaines et resitue la
problématique parisienne dans une échelle régionale. Elle alerte sur le risque que
fait peser sur les réseaux de transport la moindre utilisation de la marche à
pied qui transparaît à travers les enquêtes. Plus largement, en focalisant
l’attention sur la marche à pied, utilisée dans plus de la moitié des
déplacements à Paris, l’Apur pose la question de la place du piéton dans
l’espace public. Elle en appellera d’autres sur la largeur et le confort des
trottoirs, la répartition entre chaussées et trottoirs, les coupes-types des
rues par largeur…
A cette époque, il n’est pas rare de ne prendre en compte
que les déplacements « motorisés » dans les études. A l’heure des
grandes ZAC, ces controverses sur les choix modaux ont des conséquences
concrètes : sur dimensionner les parcs de stationnement. Et avec l’EGT,
l’Apur quantifie l’impact de la mise à disposition d’une place de stationnement
gratuite sur le lieu de travail : dans le centre de Paris l’utilisation de
la voiture pour aller travailler passe de 7% à 37% ; dans les
arrondissements périphériques, où le stationnement payant sur voirie n’est pas
encore généralisé, elle passe de 12% à 37%.
Les EGT ont aussi servi de ressources pour des études de
fond ou des questions d’actualité, souvent avec des visées opérationnelles.
Le travail sur le niveau des normes de stationnement à
préconiser dans les documents d’urbanisme pour les nouvelles opérations
s’appuie sur l’EGT, le recensement de la population et des enquêtes
complémentaires. La proposition de l’Apur de plafonner les normes dans les
opérations de bureaux ne sera pas retenue dans le Plan d’occupation des sols de
la Ville de Paris en 1995 mais le plafonnement sera introduit dans la révision
du PDUIF en 2014 (Plan de déplacements urbains d’Ile-de-France) dans les
secteurs bien desservis par les transports en commun.
Le travail sur les déplacements pour le motif achat montre
qu’on ne fait pas ses courses en voiture à Paris. Il alimentera les réflexions
sur l’aménagement de l’espace public des voies commerçantes et étayera les
arbitrages d’aménagement. Il sera assorti d’un travail d’enquêtes rue de Rennes
ou sur les boulevards des Maréchaux dans le cadre de la mise en œuvre du
tramway car l’EGT requiert d’être contextualisée. En 2005, il contribuera aussi
à la refonte de la réglementation du stationnement payant de surface de courte
durée dans les rues commerçantes à Paris.
A une autre échelle, un travail portera sur une comparaison
des déplacements dans les grandes villes européennes en 2004, traitant à la
fois des comportements et des politiques menées. Il montre que les grandes
capitales envisagent ou ont déjà mis en œuvre la diminution du trafic
automobile.
L’EGT 2010 a été pilotée par le Syndicat des transports en
Ile-de-France
1 (STIF)
en partenariat avec la DRIEA(Direction régionale et
interdépartementale de l’Equipement et de l’Aménagement en Ile-de-France) dans
le cadre de l’observatoire de la mobilité en Ile-de-France (Omnil). La
prochaine est en préparation. A l’heure du
big
data, la question des données prend une toute autre dimension et ouvre le
champ des « expériences utilisateurs » mais les questionnements
demeurent : quelles données fiables pour alimenter les réflexions, saisir
l’évolution des comportements, combattre les idées fausses…
A.M.V.
1 En 2017 le Syndicat des transports en
Ile-de-France devient Ile-de-France mobilités (IDFM)