Les années 1990-2000 sont les années de la pleine renaissance du tramway « à la française » portées par les exemples de Nantes, de Strasbourg qui ont montré la capacité…
... de ce mode de
transport à requalifier les espaces urbains. L’Apur s’engage alors dans une
étude de requalification des boulevards des Maréchaux à Paris, préfigurant les
potentiels d’évolution de ce territoire s’inscrivant dans la mise en œuvre du
« schéma d'objectifs pour l'aménagement de la couronne dans Paris ».
Ce schéma traduisait la volonté de résorber les coupures avec les communes
périphériques, de réduire l'omniprésence de l'automobile et d'en faire un lieu
de centralités et de vie par la
reconquête de l'espace public. Cette étude, qui a servi d'avant-projet
pour les aménagements aujourd'hui réalisés (qui se souvient des 8 files de
circulations du boulevard Jourdan?) a contribué à changer le regard des
Parisiens sur leur ceinture périphérique.
Longtemps le tramway est resté considéré dans les mentalités
collectives parisiennes comme provincial, voire banlieusard, en tout cas
inapproprié à Paris qui avait son métro. Mais il fallait cependant trouver une
réponse à la saturation de l'ancienne ligne de bus de petite ceinture, à bout
de souffle, et le choix en faveur du mode tramway, beaucoup plus capacitaire
que le bus mais moins cher que le métro, est venu naturellement.
Une réponse s'imposait « a priori », du moins au
Sud, celle d'utiliser la ligne de ceinture ferroviaire pour y accueillir un
tramway, en prolongement du tram Val-de-Seine arrivant à Issy-les-Moulineaux.
Mais en y regardant de plus près, cette solution, certes favorable à une bonne
vitesse commerciale car entièrement en site propre, cumulait plusieurs défauts.
D'abord, celui d'une mauvaise correspondance avec les stations du métro,
implantées aux portes de Paris. Ensuite, les difficultés à faire accepter aux
riverains de l'ancienne voie ferrée le passage d'un tramway à fréquence élevée.
Enfin et surtout, l'incapacité d'une telle solution à créer un effet
structurant sur la ville, propice à reconquérir les boulevards des Maréchaux et
plus largement la ceinture périphérique.
Désireuse de trouver une réponse à la saturation du bus de
petite ceinture, la RATP a poussé, dans les années 1980, le projet ARAMIS,
métro automatique autonome, développé avec l'Etat et Matra, qui avait montré
les limites de l'acceptabilité par les riverains d'une remise en service de
l'ancienne ligne ferroviaire désaffectée en 1934, devenue un espace de biodiversité
et de respiration dans la ville. Alors pourquoi ne pas réfléchir, même si les
contraintes sur la circulation – et a priori le coût – en étaient nettement
plus importantes, à implanter directement le tramway sur les boulevards des
Maréchaux, en faisant bénéficier les espaces riverains d'une circulation
pacifiée et d'espaces publics reconquis ?
Tel était le cahier des charges de l'étude de 1995,
commandée conjointement à l'Apur par la RATP et la SNCF, celui d'objectiver les
termes du choix d'implantation, soit sur la petite ceinture, soit sur les
boulevards des Maréchaux (variante centrale, bilatérale ou latérale), du futur
tramway, mais en s'intéressant, dans un cas comme dans l'autre, aux effets
collatéraux sur le devenir de l'emprise non utilisée : requalification des
boulevards des Maréchaux si la ligne de ceinture était choisie, transformation
de la petite ceinture en promenade si l'option boulevard des Maréchaux étaient
retenue.
Aboutie début 1996, l’étude démontrait notamment :
-
qu'avec des modalités d'implantation assez souples du
futur tramway, on pouvait non seulement
conserver le même nombre d'arbres, mais aussi améliorer considérablement la
qualité de vie riveraine en élargissant les trottoirs ;
- que la principale « victime » du reprofilage du
boulevard des Maréchaux n'était non pas la circulation, mais le stationnement
lui-même, occupé à l'époque, pour une part importante, par des non-riverains ;
- qu'en prenant en compte les carrefours et l'intégralité en
site propre, on arrivait à une vitesse commerciale du tramway tout à fait
acceptable, et une bonne qualité des correspondances, au contraire de la
solution petite ceinture.
Enfin, et surtout, une solution faisant passer le tramway
sur le boulevard des Maréchaux offrait l'opportunité d'une reconquête en
profondeur de l'espace public riverain, permettant de repenser les portes de
Paris et les voiries riveraines. La ligne ferrée de petite ceinture, selon les
termes de l'étude, était alors destinée à être transformée en promenade
piétonne, comme certains tronçons de l'ex-ligne Bastille-Vincennes.
C'est en mettant en avant ces arguments que l'étude a été présentée,
courant 1996, au Conseil de Paris, qui a retenu cette dernière solution.
Aujourd'hui, le tramway du boulevard des Maréchaux est réalisé
et inscrit dans le paysage parisien depuis une dizaine d'années. Il est en
passe de faire le tour de Paris et, s'il est devenu une des lignes les plus
fréquentées de France (parfois saturée, il est vrai), il a permis de donner une
nouvelle qualité de vie aux 200.000 riverains qui bordent les boulevards.
Quant à la ligne ferroviaire de petite ceinture, elle trouve
une nouvelle vie au travers de promenades et de lieux d’installations
temporaires. On en parle encore et toujours…mais elle est de plus en plus
ouverte au public !
J.B.R.