Le SDAU marque, avant même l’élection d’un maire à Paris, un changement complet de la stratégie urbaine. Il se démarque totalement du Plan d’urbanisme directeur qui l’a précédé. Il opère la synthèse…
… du bouillonnement d’idées à l’œuvre dans la jeune équipe de l’Apur depuis
la fin des années 1960. Il est riche d’orientations nouvelles et de la
définition d’actions et d’opérations localisées qui seront presque toutes
réalisées. En ce sens il ouvre une séquence de la politique urbaine de Paris qui
durera trente ans.
Le SDAU marque en effet le « retour à la ville » : abandon
des politiques du tout pour l’automobile et des autoroutes urbaines, de la
tabula rasa promise à des pans entiers
des arrondissements périphériques du Nord, de l’Est et du Sud-Est, de l’expansion
tertiaire généralisée dans les tissus urbains, de l’extension et du bouleversement
du centre des affaires (le projet de Cité Financière) ; volonté de mise en
valeur du paysage urbain et des espaces publics.
Il consolide une vision plus contextualiste de la ville en différenciant
les tissus urbains et en graduant les politiques à y conduire, de la protection,
dont le périmètre est étendu aux tissus haussmanniens, à la préservation des
tissus constituéset centres de
quartiers, dans leur esprit et leur échelle lors de leur transformation. Il
définit en même temps un programme d’actions ambitieuses pour la mutation
complète de grands secteurs opérationnels à venir, notamment dans le secteur
Sud-Est – dont le périmètre figure au document graphique –, dans le Nord-Est
des gares du Nord et de l’Est à la Villette et la Chapelle, dans le secteur Javel-Citroën…
Les nouvelles approches apparues dès les années 1970 dans les études de
l’Apur sont consolidées dans le SDAU et en quelque sorte « systématisées »
en un ensemble d’actions dont la cohérence et les interactions sont fortes :
-
La défense de la fonction résidentielle de Paris qui a
perdu 20% de sa population depuis 1954, et la définition d’une politique mêlant
réhabilitation et rénovation de l’habitat ;
-
La mise en valeur de la Seine et des canaux ;
-
La valorisation des grands espaces publics majeurs
(grandes places notamment), et l’implantation de grands équipements (qui sera
illustrée par les grands projets de l’Etat des années 1980-1990) ;
-
La réalisation de grands parcs venant compléter
l’armature verte du Paris classique et d’Alphand : Bercy, La Villette,
Citroën Cévennes, Abattoirs de Vaugirard, Les Halles, et la distribution de
nombreux jardins dans les zones d’aménagement ;
-
La limitation du périmètre de la zone d’affaires centrale
et la préservation de son caractère haussmannien ;
-
La concentration du tertiaire nouveau dans des pôles au-dessus
et autour des gares, de Lyon et d’Austerlitz en particulier ;
-
Le développement de l’interconnexion des transports
régionaux ferrés et la constitution de pôles de transports puissants.
Alors que le SDAU de l’Ile-de-France, mis au point par l’Institut
d’aménagement et d’urbanisme de l’Ile-de-France (IAURIF), prévoit une
déconcentration au profit de nouveaux pôles en deuxième couronne, le SDAU de
Paris, qui s’appuie sur les études de l’Apur, préconise une ville dense,
connectée par un réseau maillé de transports en commun qui intensifie les liens
avec la première couronne. Si le document graphique du SDAU de Paris est
tranché net aux limites communales pour des raisons administratives, les
échanges d’idées et la controverse entre les équipes de l’Atelier et celles de
l’Institut sont vifs, notamment en ce qui concerne les capacités de mutation de
la première couronne. Ils trouveront un épilogue provisoire en 1990 dans le
Livre Blanc de l’Ile-de-France.
Le SDAU est une synthèse des nombreuses études de diagnostic et de politiques
sectorielles menées par les équipes en charge de la « banque des données
urbaines », des « études générales », et des transports, ainsi
que des travaux conduits sur les tissus urbains et les futures opérations
d’aménagement par les architectes de l’Apur. Toutes ces équipes travaillent de
façon très intégrée. La structure du document le montre ; elle traduit une
des forces méthodologiques qui est la marque de l’Apur : conjuguer
étroitement la définition des orientations et leur spatialisation.
Le SDAU de 1977 n’est pas
seulement un document d’orientations stratégiques, il se veut d’abord un cadre
d’actions et de projets opérationnels. En témoignent, par exemple, les
opérations réalisées aux emplacements des abattoirs de la Villette ou de
Vaugirard, des usines Citroën, des entrepôts à vin de Bercy, des rives
encombrées d’activités diverses de la Seine et des canaux, dont les composantes
de la mutation à venir sont annoncées.
Il est frappant de noter que la quasi-totalité des actions prescrites
dans le SDAU ont été menées à bien, et que les orientations et le discours
développés par le document ne sont pas frappés d’obsolescence. La forme de la
ville et son cadre bâti y sont correctement « prédits ».
Plus difficile à prévoir étaient le rythme et
l’importance de l’évolution sociale de Paris. Le SDAU plaide pour une ville à
forte mixité sociale, où les activités industrielles et artisanales sont
maintenues dans le tissu. Force est bien de reconnaître que l’action de
l’urbaniste ne parvient pas à arrêter les grands mouvements de la société et à en
combattre les tendances lourdes.
J.L.S.