Les évolutions de la sociologie parisienne
Conférence "Paris, ville de riches ?"
Foule place de l'Hôtel de Ville © Mairie de Paris - Arnaud Terrier
De 2001 à 2013, « l’Université de tous les savoirs » a organisé sous la direction du philosophe Yves Michaud, un cycle de 366 conférences. Leur objectif...
... était de marquer le passage au XXIe siècle.
En 2003, plusieurs conférences sont consacrées
à Paris dont l’une est animée par Audry Jean-Marie chargé d'études de l'Apur.
Cette conférence portait sur la gentrification et les évolutions sociales qui
traversaient Paris depuis les années 1960. Magnifique tribune donc pour présenter
la synthèse des analyses sociales de l'Atelier.
L'exposé commence par une présentation
des faits sociaux et de leur enchaînement. De tout le territoire national, Paris
est devenu d'après les données du recensement de 1999 la seule grande ville française
où le nombre de cadres et de professions supérieures dépasse celui des ouvriers
et des employés réunis. La primauté des cadres sur toutes les autres catégories
s’accentue d’année en année. S’ensuit un courant de restructuration des vieux
immeubles d’habitat ouvrier pour les adapter aux besoins des nouvelles couches aisées.
A l’horizon il y a le risque que Paris évolue en ville bourgeoise homogène qui étendrait
son empire à tous les quartiers, repoussant le Paris populaire sur quelques
franges périphériques. Qu'on l'appelle ségrégation, embourgeoisement ou
gentrification, cette perspective est la négation des valeurs de mixité qui
sont l'essence de la ville. Une machine à exclure est en place. Elle repose sur
la fonction directionnelle politique et économique que Paris exerce depuis des
siècles, une structure des emplois favorable aux plus qualifiés, un renchérissement
de l’immobilier, un attrait croissant chez les ménages aisés pour les quartiers
du centre et les anciens faubourgs.
Venant équilibrer l’analyse, l'exposé
met en évidence un certain nombre de résistances à l’embourgeoisement. Elles demeurent
très fortes encore aujourd'hui. Elles tiennent d’abord à la structure du parc
de logements car Paris est majoritairement composé de petits logements d’une ou
deux pièces. Si bien que même réhabilités et quelques fois regroupés entre eux,
la mutation en appartements bourgeois a bien du mal à se généraliser. Les
résistances tiennent aussi à la fonction de terre d’accueil. Depuis toujours Paris
reçoit et loge une population immigrée nombreuse. Les immigrés forment un cinquième
de la population et leur nombre est plutôt en augmentation. Voilà donc une
évolution qui ne participe pas du mouvement dominant d’embourgeoisement.
Ce mouvement lui-même doit-il être
regardé comme une malédiction ? Sans doute pas totalement car l’attraction que
Paris exerce sur les actifs très qualifiés et les professions supérieures est la
marque d’un dynamisme, un gage d’attractivité et de prospérité. Une métropole
qui n’attirerait plus à elle les talents et la créativité aurait du souci à se
faire.
La conclusion du propos est
métropolitaine : ce n’est pas uniquement dans Paris qu’il faut chercher les
réponses nouvelles aux questions sociales mais aussi à l’extérieur, là où
s’épanouit aujourd’hui la Métropole du Grand Paris. L’enjeu est d’y développer
des pôles nouveaux ou fortement renforcés qui soient de véritables quartiers de
ville, puissamment attractifs, avec toutes les qualités des espaces centraux. Une
perspective plus que jamais actuelle.
A.J.M.
