Paris la nuit
La Ville active : ville festive, logistique, coulisses, entretien, ville de garde, mobilité © Apur
Au début des années 2000, l'Apur intègre à son programme de travail des sujets nouveaux, portant à la fois sur des questions sociales, tels que la pauvreté, les sans-abri, et des...
… questions
plus sociétales : quelles sont les nouvelles sociabilités de
quartier ? Quelles sont les nouvelles familles à Paris ? Ou
encore : la nuit à Paris. La recherche urbaine s'intéressait depuis
quelques années à la question du temps dans la ville. Il s'agissait d'une
approche nouvelle d'un objet traditionnellement étudié au travers de la notion
d'espace, et rarement appréhendé, voire jamais, par le prisme du temps.
Aussi
surprenant que cela puisse paraître, la «ville lumière» n'avait jamais été sérieusement
analysée, observée pendant la nuit, entre 20h et 8h du matin.
L'étude a
mis au jour plusieurs éléments d'analyse intéressants. Tout d'abord, la
fonction de la «ville de garde» est apparue dans toute son importance, à la
fois sur le plan stratégique mais aussi quantitatif. Ils sont nombreux les
lieux qui assurent les fonctions vitales de la ville, 24h sur 24 : police, sécurité
et gardiennages divers, pompiers, hôpitaux, régulateurs de trafics, veille sur
les réseaux de téléphone, d’électricité, etc. Tout aussi importante, est mise
en lumière la fonction des «coulisses de la ville», c'est-à-dire l'ensemble des
activités qui rendent possible la vie … en journée : travaux, entretien, ménage,
livraisons... Là encore, des milliers d'emplois mal (re)connus sont concernés,
très souvent féminins, et pourtant condition sine qua non de la vie en société (la nuit à Paris c’est environ
600 000 emplois).
La
« ville festive », était mieux connue. L'étude a mis au jour une
géographie spécifique de la nuit, liée aux quartiers traditionnels de
«divertissement» : les boulevards, anciennes marges de la ville, là où on
allait «s'encanailler», les avenues prestigieuses, (les Champs-Elysées et leurs
abords), mais aussi les quartiers de faubourg, nouvellement envahis, en ce
début des années 2000, par les populations aux revenus confortables. Après 2h,
on compte 800 établissements, bars, boites de nuit qui ont une autorisation d’ouverture
la nuit. La Ville de
Paris a prolongé les horaires d’ouverture de 44 équipements sportifs jusqu’à
minuit, de plusieurs ludothèques jusqu’à 22 h. Pendant l’été, les grands parcs
et jardins sont ouverts la nuit 7 jours sur 7.
L'analyse de
la «ville marchande», celle du commerce à toute heure de la nuit, a montré
surtout une diversification des pratiques : ouvertures variables des
«épiceries» de nuit, nocturnes dans les grands magasins, rôle important des stations-services...
Il a aussi semblé nécessaire, dans cette étude sur la nuit, de parler de la
«ville résidentielle», la ville des gens qui dorment la nuit : la majorité
des Parisiens dorment en effet la nuit ! Cette dimension est tout aussi
importante et respectable que les autres. Enfin, l'étude ne pouvait ignorer la
«ville des marges », errance, prostitution, drogue... Plus difficile à
localiser, elle devait néanmoins être intégrée car faisant partie de la «nuit»
et paradoxalement, encore plus visible dans les halos de lumière des lumières
de la nuit.
La ville la
nuit, c’est aussi celle accessible par les modes de transport. L'analyse de
l'offre et des modes de transports a, par ailleurs, montré d'une part,
l'existence de «quartiers» de la nuit, liées à la «ville festive» mais aussi la
faiblesse de l'offre pour toutes les autres fonctions, notamment celles de la
«ville de garde» et des «coulisses de la nuit», commençant tôt le matin, avant
l'ouverture du métro et concernant des personnels habitant souvent loin de la
capitale.
Les travaux
plus récents repris par l'Atelier ont pu montrer surtout une évolution de la
géographie de la «ville festive», un décalage en soirée des horaires de la
«ville marchande» lié à la fermeture plus tardive des supérettes franchisées,
et surtout une amélioration sensible de l'offre de mobilité avec la mise en
place du réseau Noctilien, (9,4 millions de trajets en 2016 soit une progression de
100% depuis 2005),
l'ouverture plus tardive du métro le week-end et le déploiement d'une offre de
mobilités en libre-service avec Vélib’ puis Autolib’.
F.A.