Au milieu des années 1970, le combat que mène l’Apur pour l’arrêt des opérations de rénovation brutalisant Paris et pour la définition d’une politique nouvelle de rénovation urbaine,…
… paraît être celui de David contre Goliath, tant les idées hygiénistes
et modernistes imprègnent les services de l’urbanisme et tant les Sociétés
d’économie mixte (SEM) qui les mettent en œuvre sont puissantes. Pourtant, un
tournant complet s’opère en cinq ans : en juin 1980 le Conseil de Paris
approuve 17 nouveaux plans de zones d’aménagement concerté couvrant 200
hectares. Les principes nouveaux auxquels elles répondent traduisent la vision
urbaine et les orientations du Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme
(SDAU) et du Plan d’occupation des sols (POS) approuvés en 1977. Une nouvelle
génération d’opérations publiques d’aménagement voit le jour.
La nouvelle conception de l’urbanisme élaborée depuis le début des
années 1970 exige une remise en cause de la politique de rénovation urbaine
qui, depuis les années 1950-1960, fait
tabula-rasa
de quartiers entiers, opérant l’implant d’un modèle urbain en totale rupture
avec le caractère de Paris.
Sur le terrain, cette politique fait alors l’objet d’une contestation
croissante. Le chamboulement total du secteur Italie ou celui des Hauts de
Belleville sont autant décriés que le projet de voie rapide Nord-Sud ou de
radiale Vercingétorix. Sensibles à ces critiques, certains élus du Conseil de
Paris, dont Bernard Rocher, président de la 5
e commission en charge
de l’aménagement, s’appuient dès les années 1973-1974 sur l’Apur et voient dans
ses jeunes équipes le fer de lance permettant de bousculer les services, de
procéder à une remise à plat des opérations et d’en reprendre les plans. Alors
que le rôle de l’Apur était jusqu’alors réservé aux documents de planification
et réglementaires (SDAU, secteur Sud-Est, POS), la demande qui lui est faite
par Bernard Rocher d’étudier l’aménagement des terrains Citroën inaugure un
changement de système irréversible.
Suite à son élection à la mairie de Paris, la décision de Jacques Chirac
de nommer Pierre-Yves Ligen directeur général de la puissante direction de
l’Aménagement urbain tout en conservant la direction de l’Apur, est un facteur
clé d’accélération de la révision des opérations et du dialogue (plus ou moins
difficile) entre les SEM, les services et les équipes de l’atelier, qui vont
beaucoup apprendre à leurs côtés tout en faisant passer le vent de concepts
neufs.
Les principes auxquels répondent tant la révision que la définition de
nouvelles opérations peuvent être aisément résumés :
- Revenir à une
volumétrie mieux accordée aux caractéristiques de l’environnement existant ;
- Mieux respecter la
trame urbaine existante ; la prolonger, la compléter, plutôt que s’en
affranchir ;
- Conserver certains
éléments de l’habitat et les améliorer ;
- Maintenir, étendre ou
accueillir des activités artisanales ;
- Développer les jardins
et les espaces publics comme trame structurante des nouveaux quartiers ;
- Construire des
équipements (281 classes primaires ou élémentaires sont prévues, 6 collèges, 2
piscines, 4 bibliothèques, pour 25.000 logements dont 15.000 HLM).
Sur ces bases, les architectes de l’Apur composent des plans précis,
développant des programmes bâtis d’implantation plus urbaines et d’échelles
plus diversifiées, autour d’une trame d’espaces publics qui en constitue la
structure et se relie finement à l’armature viaire environnante.
Chaque projet donne lieu à exposition et débats. Il est ensuite traduit
dans un Plan d’aménagement de zone (PAZ) très détaillé afin d’éviter tout
retour aux vieilles habitudes. Ce faisceau de contraintes, parfois jugé
excessif, est la source d’une grande cohérence des réalisations. Dans le
nouveau secteur Guilleminot-Vercingétorix par exemple, difficile de dire
aujourd’hui quelles sont les rues nouvelles. Le temps a fait son œuvre et
l’unité du quartier est forte malgré des écritures architecturales contrastées.
L’aménagement de très grandes emprises nouvelles, dans les années 1990,
donne lieu à des compositions urbaines et des ordonnances architecturales plus
« écrites », comme à Bercy, Reuilly, ou à Paris Rive Gauche autour de la
Bibliothèque de France. En 2000, la loi SRU qui oblige à soumettre les Zones
d’aménagement concerté (ZAC) aux règles générales du Plan local d’urbanisme (PLU)
et restreint en quelque sorte les ressources de la coordination architecturale,
amène l’Apur à s’interroger. Les exemples de ZAC les plus récents démontrent
toutefois que cette disposition réglementaire n’a pas atténué la capacité à
engendrer des opérations plus libres dans leur conception, comme à Clichy-Batignolles.
J.L.S. / A.L.