Le Conseil de Paris délibère sur la création de l’Apur
Vue sur le bâtiment Morland, architecte : Albert Laprade © Collection Pavillon de l'Arsenal
L’année 1967 voit la mise en place de la Loi d’orientation foncière (LOF), qui instaure : l’obligation d’élaborer des schémas directeurs et plans d’occupation des sols ; le droit pour...
... les collectivités territoriales de constituer des réserves foncières ; le droit aux associations foncières urbaines de mener des opérations de rénovation ; la création de la taxe d‘urbanisation, de la taxe locale d’équipement et des agences d’urbanisme. C’est, pour la Ville de Paris, la possibilité de mener enfin par elle-même une politique d’urbanisme.
Alors que le Plan d’urbanisme directeur (PUD) de Paris mis en œuvre depuis 1961 [1] s’avère au fil des années de moins en moins applicable et de plus en plus contesté, le Conseil Municipal et le Préfet se saisissent du nouvel outil juridique qu’est la LOF pour lancer la révision du PUD, démarrer les études pour l’élaboration d’un Schéma directeur de Paris, revoir les opérations de rénovation et piloter les grands projets (les Halles, les entrepôts de Bercy, la porte Maillot...).
Depuis plusieurs années (au moins depuis 1963 où a eu lieu un premier vote sur ce sujet), le Conseil de Paris (CMP) veut se doter d’un atelier d’urbanisme pour disposer d’un outil de recherche et d’étude qui lui permette d’élaborer une politique d’aménagement et des grands projets sur certains sites de la capitale ; et ce sans dépendre des études menées par les services de l’Etat et du District régional comme cela avait été le cas pour le PUD de Paris ou l’élaboration du schéma directeur régional de 1965. L’Etat lui donne raison en 1967. Le préfet de Paris Maurice Doublet [2], qui a alors sous sa tutelle les services de la Ville de Paris, a besoin d’une équipe technique forte et indépendante de l’administration, pour imaginer une politique d’urbanisme nouvelle et élaborer rapidement les nouveaux documents.
Il s’entoure de hauts fonctionnaires pour constituer le « comité des quatre » [3] qui est chargé en 1966 et 1967 de préfigurer l’Atelier parisien d’urbanisme. Il est composé de Max Querrien, directeur de l’architecture au ministère d’Etat chargé des affaires culturelles, de Georges Pébereau, polytechnicien et ingénieur des ponts et chaussées, directeur de l’aménagement foncier et de l’urbanisme au ministère de l’Equipement et du Logement, de Paul Delouvrier, délégué général du district de la région parisienne. S’y ajoutent Pierre Delmon, chargé de mission auprès du Premier ministre, et parfois Roger Malafosse, direction du budget du ministère de l’Economie et des Finances. C’est ce comité, présidé par le Préfet Doublet, qui va définir le statut de l’Atelier, de son organigramme, de son budget, de ses premières missions et de son positionnement vis-à-vis de l’administration.
L’Apur est créé, comme un organisme d’études « permettant de substituer aux études entreprises coup par coup des études globales prospectives (…) un instrument technique et de dialogue entre administration parisienne, administration centrale et gouvernement, et Conseil de Paris ». [4] Son conseil d’administration est composé de la Ville de Paris, de l’Etat et du district de la Région. La principale mission qui lui est confiée consiste à élaborer lui-même les plans décidés par la collectivité publique puis faire une analyse critique et comparer les partis proposés par les organismes extérieurs.
L’Atelier travaille déjà avant d’être créé. Il est installé aux 15e et 16e étages du centre Morland dès le début de l’année 1967. Son premier directeur, Lucien Petit, en assure la direction administrative et les premiers personnels sont recrutés. Il est prévu d’embaucher une quarantaine de personnes – démographes, économistes, géographes, sociologues, urbanistes architectes, ingénieurs, dessinateurs, maquettiste, photographe, documentalistes… – afin de disposer tout de suite d’une équipe pluridisciplinaire capable de produire des études urbaines et des projets. Son premier budget vient des crédits d’étude de la Ville de Paris.
A sa création officielle, son budget annuel dépend pour 32 % de la Ville de Paris, pour 52 % du ministère de l‘Equipement et pour 16 % du district régional. (Ces proportions ont beaucoup évolué en 50 ans).
Sa première tâche est de concevoir le Schéma directeur de la Ville de Paris (dont l’architecte Henry Bernard, intégré à l’équipe de l’Apur, est chargé comme architecte en chef) et l’Atelier rend son premier rapport sur le sujet dès décembre 1967. Il doit aussi établir le cahier des charges de la 2e phase de la consultation des Halles dont la première phase s’est déroulée en 1966. L’Atelier est aussi chargé d’examiner la difficile question de la circulation et des transports dans Paris alors que voies express, axe nord-sud et radiales autoroutières sont inscrites au PUD.
L’Apur est doté de « conseillers », parmi lesquels l’architecte Louis Arretche [5] qui intervient dans la définition de nombreux projets dont celui des Halles, Jacqueline Beaujeu-Garnier, géographe [6], Paul-Henry Chombard de Lauwe, sociologue [7]. Bernard Rocher, élu du Conseil de Paris et membre du conseil d’administration de l’Apur, joue un rôle important de soutien à l’Atelier qu’il poursuivra pendant de longues années.
Pierre-Yves Ligen, jeune auditeur au Conseil d’Etat, est nommé directeur dès 1968. C’est à partir de cette date que l’Apur prend son essor, se dotant de la revue trimestrielle Paris Projet dont le premier numéro, consacré aux Halles, paraît en juillet 1969.
C.B.
[1] Le PUD est mis en œuvre à partir de 1961 sans être formellement approuvé. Il est approuvé en février 1967 et mis simultanément en révision. Il ne sera jamais révisé et le schéma directeur de Paris viendra le remplacer.
[2] Maurice Doublet est le dernier préfet de la Seine en 1967-1968, puis il devient préfet de Paris en 1968-1969 avant de devenir préfet de la région parisienne. En 1977 il devient le premier directeur de cabinet de Jacques Chirac, premier maire de Paris élu.
[3] Le comité des quatre prépare les débats sur ce sujet au sein du comité interministériel présidé par Edgar Pisani, ministre.
[4] Délibération au Conseil de Paris du 3 juillet 1967.
[5] Louis Arretche est architecte en chef des bâtiments civils et palais nationaux et architecte conseil de Paris.
[6] Jacqueline Beaujeu-Garnier est professeur à la faculté de lettres de Paris, directeur de l’Atlas de Paris et de la Région Parisienne.
[7] Paul-Henry Chombard de Lauwe est sociologue et professeur à l’EPHE.