En 1970, c’est une profonde incertitude qui accompagne la quête par l’Apur d’une méthode de conception urbaine qui repose sur une nouvelle grammaire...
... de la ville. Cette incertitude stimule l’engagement des jeunes architectes chargés de l’élaboration des
nouveaux projets. Ils partagent le rejet de la doctrine qui prévaut alors à
Paris sous la forme de « tours et barres », incarnations du « Mouvement
moderne ». Le Nord-Est parisien, qui a connu une politique de rénovation
très active depuis les années 1960, est l’un des grands sites de projet que
l’Apur investit alors.
Entre
les Buttes-Chaumont et Montmartre, le Nord-Est, avec sa géographie naturelle et
urbaine, est bien identifié comme un secteur de grands enjeux liés à la fois au
départ massif des industries, à l’avenir incertain des abattoirs de la Villette
et à la construction massive de logements sociaux accompagnés de nombreuses écoles
provisoires… Dans un premier temps plusieurs études sur ce secteur sont menées
parallèlement par différents intervenants au sein de l’Apur, architectes pour
la plupart.
Au-delà
des lectures et promenades, il convient de noter les apports très instructifs
qu’offrent plusieurs chercheurs consultés. Philippe Panerai et Jean Castex pour
l’analyse morphologique du secteur Nord-Est ; Bernard Rouleau sur le tracé
des rues ; François Loyer pour la reconsidération des quartiers du XIX
e
siècle dans le 19
e arrondissement ; Gérald Hanning, puis Pierre Pinon pour
la prise en compte du système parcellaire. Par ailleurs, les études et projets
de l’Atelier progressent et utilisent les études générales et les statistiques alimentées
par les nouveaux moyens informatiques dont ceux de la BDU (Banque de données urbaines).
En
1970, dès son arrivée à l’Apur, le directeurPierre-Yves
Ligen confie à l’un de ces jeunes architectes l’étude du devenir de La Villette,
en plein scandale des abattoirs. Avec le futur Commissaire à l’aménagement du
site, Jean Sérignant, et une petite équipe ils définissent les prémisses des
aménagements ultérieurs et un projet urbain de référence, qui sert de base au
concours international préparé par l’Apur en 1976 et, plus tard, au concours
pour la Cité des sciences
1(1980) et à celui du nouveau Parc
2(1982).
Apparaît
alors, dans la production de l’Apur, le sens de l’anticipation des enjeux
urbains à venir. Ainsi après l’installation du maire de Paris en 1977, toutes
les opérations d’aménagement en cours sont révisées à marche forcée :
rectification de leurs périmètres, préservation de certains immeubles voués à
la démolition, maintien des activités, changement radical des formes bâties. En
une année, tous les projets sont remaniés. Du milieu des années 1970 à la fin
des années 1980, dans le Nord-Est parisien, l’Apur étudie plusieurs projets
urbains. Ils concernent la transformation d’emprises techniques en quartiers
nouveaux : ouverture au public du site du Bassin de La Villette qui est
alors un port fluvial en déshérence, enclos de grilles et création de la place
de La bataille-de-Stalingrad piétonne en déplaçant la circulation automobile
sous le métro aérien ; transformation du secteur Manin-Jaurès, site de
l’ancien chemin de fer de desserte des abattoirs en nouveau quartier de
logements et d’équipements. C’est aussi l’aménagement ou la création de
nouvelles voies : le projet d’embellissement et d’élargissement de la rue
de Flandre dont les rives ont déjà été partiellement détruites pour créer l’axe
Nord-Sud désormais abandonné ; prolongement de la rue Armand-Carrel jusqu’à
l’avenue Jean-Jaurès, projet initié sous Haussmann et jamais achevé, et les
aménagements de ses abords rue de Meaux
3 ;
percement de la rue Léon-Radiguet sur le terrain de l’ancienne usine à cercueil
entre la rue d’Aubervilliers et la rue Curial. C’est, enfin, le renouvellement
des hôpitaux avec l’implantation de l’hôpital Robert-Debré
4.
Conçus
comme complémentaires et concomitants, à plusieurs échelles du territoire,
parfois pour un îlot, parfois plusieurs dizaines d’hectares, ces projets sont
très contextuels et très intégrés à leur environnement. C’est une des
caractéristiques essentielles du travail de l’Atelier sur les transformations
de la ville, le premier rôle de l’urbanisme étant compris comme la manière
d’appréhender les différentes dimensions spatiales et temporelles de notre
environnement, indépendamment de tout périmètre.
Le
projet du Bassin de La Villette est voté en 1976 sous la forme d’un document
règlementaire, dont les dispositions préfigurent localement le Plan
d’occupation du sol de Paris (POS), à l‘élaboration duquel participe l’Apur. L’essentiel
des projets est réalisé entre 1983 et 1995, alors que le travail de projet de
l’Atelier, du très local au plus général, se prolonge avec l’élaboration du Plan
programme de l’Est parisien (adopté en 1983). Ce document est un vaste projet
de ville qui affirme la prééminence de la mairie centrale au moment du
changement de statut de Paris en même temps qu’un instrument de communication
publique et une référence utile à la coordination des multiples services de la
Ville, excessivement spécialisés et cloisonnés.
F.G.
1 Réalisée par A. Fainsilber
2 Réalisé par B. Tschumi
3 Où construisent : F.
Pouillon, Ch.de Portzamparc, F. Soler, R. Piano
4 Réalisé par P. Riboulet et
J.P. Weiss