Dans les années 1972-1974 le Plan d’occupation des sols (POS) et le Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme (SDAU) sont conçus de façon interactive…
… et prennent le total contre-pied du Plan d’urbanisme directeur. Les
services de la direction générale de l’Aménagement et de l’Urbanisme ont en
charge l’élaboration du POS, coproduit avec l’Apur, qui influence
considérablement les travaux sur plusieurs points décisifs, et apporte un
« esprit » nouveau.
Les services chevronnés de la Ville, aiguillonnés
par les jeunes équipes de l’Atelier, opèrent une révolution copernicienne par
rapport à leur vision de la ville et de la manière de la faire évoluer.
Cette
« révolution », fruit de la controverse entre
« modernistes » et « contextualistes » et de l’émulation
entre les services et l’Apur, met au premier plan les objectifs suivants :
-
L’extension de
la notion de protection au patrimoine du XIXe siècle ;
-
La
reconnaissance des « tissus constitués » populaires et la volonté de
préserver leurs caractères lors des reconstructions ;
-
La remise en
cause de très nombreux alignements pour élargissement de voirie déstructurant
le tissu urbain et privilégiant la circulation automobile ;
-
La préservation de la fonction résidentielle
de Paris qui paraît alors menacée ;
-
La limitation
de la diffusion des bureaux dans le tissu et leur concentration dans la zone
d’affaires strictement délimitée et sur les pôles de transports en commun.
Les orientations nouvelles
que l’Apur préconise et les règles originales que l’Atelier définit pour que
ces orientations prennent corps à la faveur des mutations foncières et immobilières,
sont particulièrement importantes dans les décennies 1970-1980.
Sur le plan morphologique, elles
reposent sur la connaissance des tissus existants et de l’histoire des règlements
qui, depuis le XVII
e siècle, ont constitué la cohérence et
l’identité de la ville. Le titre du
Paris
Projet n° 13-14 traduit bien cet état d’esprit : le paysage urbain étant
grandement le produit des règles d’urbanisme, le POS doit être conçu avec comme
préoccupation réglementaire première le visage de la ville.
Le zonage et les hauteurs
sont établis en considération des caractéristiques observables des tissus
urbains, parcourus par les architectes de l’Apur dont les comptes rendus
donnent souvent lieu à des disputes intellectuelles très vives avec les
ingénieurs de la Ville de Paris. Des moments exceptionnels de création
collective ont lieu dans la grande salle de réunion de l’Apur où, sur un très
grand calque, chacun inscrit le résultat de ses observations et les
préconisations.
Deux
« inventions » réglementaires en sont issues, qui portent sur deux
aspects étroitement complémentaires : la forme de la ville, d’une part,
son contenu, d’autre part.
Il s’agit tout d’abord des
« filets » de couleur apposés sur le plan et prescrivant à la fois
l’alignement des constructions et la hauteur de leur verticale. La question de
la continuité bâtie définissant l’échelle des espaces publics est au cœur de ce
qui est préconisé. Il s’agit de lutter contre la destruction du paysage des
rues par les reculs intempestifs des constructions et l’implantation à
l’intérieur de la parcelle
. Très vite les
nouvelles règles s’imposent aux promoteurs et les raccords d’alignements se
multiplient, créant des sortes de petites placettes aujourd’hui plantées.
Pour éviter les trop longs
linéaires de façades monotones à l’aplomb de la rue, une modulation de
l’implantation des grands bâtiments par rapport à l’alignement est recherchée. Les
tissus constitués, dont le caractère devait être pris en considération lors des
reconstructions, appelaient en particulier une créativité architecturale, quant
à l’échelle et à la mixité.
La seconde innovation
majeure est la définition de « COS différenciés ». Ils visent à
freiner l’invasion du tissu urbain du centre et de l’Ouest par les bureaux, à
favoriser partout la fonction résidentielle, à maintenir les fonctions
artisanales et de production. Ils invitent à la mixité urbaine, vision que l’Apur
a très tôt défendue. Le POS de 1977 ne va pas du tout dans le sens des
promoteurs et montre un courage certain de la Ville de Paris et une vision
planificatrice.
A Paris, c’est ce qui se
passe dans le bâti existant par le renouvellement social, qui façonne très
largement l’évolution de la ville. A cet égard, si le POS a permis de sauver le
paysage de Paris, il n’a pu, malgré ses règles protectrices des tissus
patrimoniaux et fragiles, empêcher une gentrification rapide et excessive.
Peut-être même, ruse de la raison, l’a-t-il accélérée en mettant en valeur le
paysage parisien et la diversité des ambiances de ses quartiers ?
J.L.S.