Les sans-abri à Paris et dans la métropole
Urgence sociale, état des lieux propectifs
Tentes de sans-abri sur les quais au port de Bercy © Apur
Intégrer les publics les plus fragiles dans les sujets d’études d’une agence d’urbanisme demande de repenser certaines démarches empiriques et d’inventer...
... des méthodes d’analyses ad-hoc.
Lorsque l'étude sur la pauvreté à
Paris est lancée en 1995, l'Atelier parisien d’urbanisme n'a jamais vraiment
traité ce type de sujet. Il y a bien sûr l'exploitation de données sur l'emploi
issues du recensement (ou d'autres sources), l'analyse de données fiscales sur
les revenus, les premières analyses sur les statistiques récentes du Revenu
minimum d'insertion (RMI), mis en place quelques années auparavant. Mais il n'y
a pas d'approche globale et problématisée. Le sujet devient pourtant central
car après deux décennies d’accroissement du chômage, après une crise économique
sévère autour de l'année 1993, plusieurs indicateurs et observations signalent
l'émergence ou la réémergence de situations de pauvreté. L'existence d'une
« nouvelle pauvreté » est un sujet régulièrement débattu par les
chercheurs et les médias.
L'idée de
l'étude est dans un premier temps d'arriver à définir suffisamment la notion de
pauvreté pour comprendre de quoi on parle : comment démêler
« pauvreté », « misère », « exclusion », « grande
pauvreté », « nouvelle pauvreté », « quart monde »,
etc.
Les travaux
sociologiques et historiques de Robert Castel ont donné une grille de lecture
conceptuelle. Il propose une différenciation entre d'une part, une
« pauvreté » liée à une forme d'empêchement physique - maladie,
handicap, vieillesse, etc. - et d'autre part, une forme de pauvreté liée au
fait que des personnes valides, en capacité de travailler, ne trouvent pas
d'emploi.
A Paris,
comme dans le reste de la France, la première forme, la « handicapologie »,
est en diminution et assez bien prise en charge par les aides sociales. La
seconde forme, celle des « inutiles au monde », est en augmentation
récente. Elle est plus présente à Paris : plus de chômeurs de longue
durée, plus d'allocataires du RMI. Elle se combine également avec des
spécificités de la population parisienne, personnes isolées, populations en
migrance (depuis la province ou depuis des pays étrangers) renforçant la
vulnérabilité globale de ces personnes. Cette « vulnérabilité
relationnelle », couplée à la surreprésentation des personnes rejetées par
le marché du travail, vient probablement grossir les rangs des populations à la
rue, devenues très visibles depuis quelques années.
La
visibilité des sans abri est mise en lumière cartographique par les travaux de
l’Apur, sous l’impulsion de la création de l’Observatoire parisien de
l'insertion et de la lutte contre l'exclusion (Opile) en 2008, à l’aide
notamment des données de la Brigade d’assistance aux personnes sans abri
(Bapsa). Diverses études sur la question du sans abrisme dans le contexte
parisien et ensuite métropolitain, afin d’affiner les premiers éléments de
connaissances sur des publics et des phénomènes particulièrement complexes et
ainsi outiller la politique publique en direction des grands exclus. Face à ce
défi, la collectivité parisienne a mis en place au fil des années des moyens
importants d’assistance et d’aide à la réinsertion.
A l’image du
clochard, s’ajoutent de nouveaux visages de la pauvreté, plus féminins, plus
jeunes voire enfantins, plus multiculturels… Des parcours de vie souvent
dramatiques, des situations chaotiques, la misère exigent des solutions
toujours plus innovantes pour la combattre.
Les études
se sont enrichies au fur et à mesure de leur production et sont également force
de proposition. Dans une vision prospective d’une arrivée constante et
croissante de nouveaux publics, des réponses alternatives et mobiles de mise à
l’abri d’urgence, ont été proposées. Début 2012, 28 800 adultes francophones
sans domicile sont dénombrés dans l’agglomération parisienne, ce qui représente
une hausse de 84 % par rapport à 2001. Un sans domicile sur trois est en situation
d’emploi et un sans domicile sur deux n’a jamais eu de logement personnel. Force
est donc de réinterroger les outils de connaissance de ces phénomènes sociaux,
notamment par la mobilisation de méthodes expérimentales (exemple de la carte
des structures d’accueil de jour construite à partir des informations du guide
des solidarités et enrichie avec des éléments d’enquête de terrain) et
qualitatives (enquête de terrain avec des maraudes d’intervention sociale et
rencontres de personnes vivant à la rue).
Les propositions de solutions alternatives, mobiles et temporaires à la
mise à l’abri des publics à la rue, sont présentées dans l’étude de 2014 et
trouvent échos dans les projets initiés par la Ville de Paris (nouveau Centre
d’hébergement d’urgence (CHU) géré par l'association Aurore dans le 16e
arrondissement ou encore le Centre de la Chapelle pour les migrants) et
d’autres projets innovants proposés par des Parisien.ne.s dans le cadre du
Budget participatif doivent se réaliser prochainement.
En savoir plus...